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LETTRE VII.

« Paris, 9 ventose.

« En vérité, ma bonne et chère mère, si je voulais prendre ta lettre dans le ton où tu me l’as écrite, il ne me resterait plus qu’à me jeter à la rivière. Je vois bien que tu ne penses pas un mot de ce que tu me dis. La solitude et l’éloignement te grossissent les objets : mais quoique je sois fort de ma conscience, je n’en suis pas moins douloureusement affecté de ton langage. Tu me reproches toujours ma mauvaise fortune, comme si j’avais pu la conjurer, comme si je ne t’avais pas dit et prouvé cent fois que les états-majors étaient complétement en disgrace.

« Il ne faut point croire que le hasard et les protections conspirent beaucoup pour ou contre nous. L’empereur a son système, j’ai été très bien servi auprès de lui par Clarke et Caulaincourt. Dupont lui-même m’a rendu justice et bien servi dans ces derniers temps. Je ne me plains de personne et surtout je n’envie personne ; je me réjouis des faveurs qui tombent sur mes parens et mes amis. Seulement je me dis que je ne parviendrai pas par le même chemin, parce que je ne sais pas m’y prendre. L’empereur seul travaille et nomme. Le ministre de la guerre n’est plus qu’un premier commis. L’empereur sait ce qu’il fait et ce qu’il veut faire. Il veut ramener à lui ceux qui ont fait les superbes, et entourer sa famille