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digressions ?), je citerai un trait dont j’ai été témoin et que j’aurais voulu raconter à Buffon, ce doux poète de la nature. J’élevais deux fauvettes de différens nids et de différentes variétés : l’une à poitrine jaune, l’autre à corsage gris. La poitrine jaune, qui s’appelait Jonquille, était de quinze jours plus âgée que la poitrine grise, qui s’appelait Agathe. Quinze jours pour une fauvette (la fauvette est le plus intelligent et le plus précoce de nos petits oiseaux), cela équivaut à dix ans pour une jeune personne.

Jonquille était donc une fillette fort gentille, encore maigrette et mal emplumée, ne sachant voler que d’une branche à l’autre, et même ne mangeant point seule ; car les oiseaux que l’homme élève se développent beaucoup plus lentement que ceux qui s’élèvent à l’état sauvage. Les mères fauvettes sont beaucoup plus sévères que nous, et Jonquille aurait mangé seule quinze jours plus tôt, si j’avais eu la sagesse de l’y forcer en l’abandonnant à elle-même et en ne cédant pas à ses importunités.

Agathe était un petit enfant insupportable. Elle ne faisait que remuer, crier, secouer ses plumes naissantes et tourmenter Jonquille, qui commençait à réfléchir et à se poser des problèmes, une patte rentrée sous le duvet de sa robe, la tête enfoncée dans les épaules, les yeux à demi fermés.