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presque pleuré de rage. Mon Dieu, où est le repos, où est l’insouciance de ma première jeunesse.

« À bientôt ma bonne mère, j’irai me calmer et me consoler dans tes bras. Bonsoir à Deschartres. Dis-lui qu’il a par ici une réputation admirable de savant agriculteur et de croquenotes fieffé. Je t’embrasse de toute mon ame. Et ma pauvre bonne ; elle ne m’a pas jeté la pierre, elle ! Qu’elle te rassure et te console ; écoute-la. Elle a plus de bon sens que tous les autres. » Une tendre lettre de ma grand’mère ramena Maurice au bercail pour quelques jours. Deschartres le reçut d’un air morne et assez rogue, et, voyant qu’il ne s’approchait pas pour l’embrasser, il tourna le dos et alla faire une scène au jardinier à propos d’une planche de laitues. Un quart d’heure après, il se trouva face à face, dans une allée, avec son élève. Maurice vit que le pauvre pédagogue avait les yeux pleins de larmes ; il se jeta à son cou. Tous deux pleurèrent sans se rien dire, et revinrent, bras dessus bras dessous, trouver ma grand’mère, qui les attendait sur un banc et qui fut heureuse de les voir réconciliés.

Mais Victoire écrivait ! C’est tout au plus, si, à cette époque, elle savait écrire assez pour se faire comprendre. Pour toute éducation elle avait reçu, en 1788, les leçons élémentaires d’un vieux capucin qui apprenait gratis à lire et à réciter le