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porter atteinte à ton bien-être plus qu’il ne le fait aujourd’hui, et c’est déjà trop !

« Tu vois donc bien que toutes ces prévisions du sage Deschartres n’ont pas le sens commun, et que son amitié n’est pas du tout délicate ni éclairée, quand il se plaît à te mettre de telles craintes dans la tête. Son rôle serait de te consoler et de te rassurer ; au contraire, il te fait du mal. Il ressemble à l’ours de la fable qui, voulant écraser une mouche sur le visage de son ami, lui écrase la tête avec un pavé. Dis-lui cela de ma part, et qu’il change de thèse, s’il veut que nous restions amis. Autrement, ce sera bien difficile. Je peux lui pardonner d’être absurde avec moi, mais non de te faire souffrir et de vouloir te persuader que mon amour pour toi n’est pas à l’épreuve de tout.

« D’ailleurs, ma bonne mère, ne me connais-tu pas bien ? Ne sais-tu pas que, quand même j’aurais formé le projet de me marier, lors même que j’en aurais la plus grande envie (ce qui n’est pas vrai, par exemple), il suffirait de ton chagrin et de tes larmes pour m’y faire renoncer ?

Est-ce que je pourrai jamais prendre un parti qui serait contraire à ta volonté et à tes désirs ? Songe que c’est impossible, et dors donc tranquille.

« Auguste et sa femme veulent me garder encore deux ou trois jours. On n’est pas plus aimable qu’eux. Ce ne sont pas des phrases, c’est de la cordialité, de l’amitié. Ils sont bien heureux,