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est bon pour Deschartres, qui n’a plus mon âge, et qui, d’ailleurs, n’a peut-être pas rencontré beaucoup d’occasions de pécher, soit dit sans malice. Mais venons au fait. Je ne suis plus un enfant, et je puis très bien juger des personnes qui m’inspirent de l’affection.

Certaines femmes sont, je le veux bien, pour me servir du vocabulaire de Deschartres, des filles et des créatures : je ne les aime ni ne les recherche ; je ne suis ni assez libertin pour abuser de mes forces, ni assez riche pour entretenir ces femmes-là ; mais jamais ces vilains mots ne seront applicables à une femme qui a du cœur. L’amour purifie tout. L’amour ennoblit les êtres les plus abjects ; à plus forte raison, ceux qui n’ont d’autres torts que le malheur d’avoir été jetés dans ce monde sans appui, sans ressources et sans guide. Pourquoi donc une femme ainsi abandonnée serait-elle coupable de chercher son soutien et sa consolation dans le cœur d’un honnête homme, tandis que les femmes du monde, auxquelles rien ne manque en jouissances et en considération, prennent toutes des amans pour se désennuyer de leurs maris ? Celle qui te chagrine et t’inquiète tant a quitté un homme qui l’aimait, j’en conviens, et qui l’entourait de bien-être et de plaisirs. Mais l’avait-il aimée au point de lui donner son nom et de lui engager son avenir ? Non ! aussi quand j’ai su qu’elle était libre de le quitter, n’ai-je pas eu le moindre remords d’avoir recherché et obtenu son amour. Bien loin