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qu’une volonté, et aujourd’hui, nous voilà divisés, non de sentimens, mais d’opinions sur certains points assez importans. C’est la plus grande douleur qui pût nous arriver, et je prendrai difficilement mon parti sur l’influence fâcheuse que l’ami Deschartres exerce sur toi en cette occasion. Comment se fait-il, ma bonne mère, que tu voies les choses au même point de vue qu’un homme, honnête et dévoué, sans doute, mais brutal, et qui juge de certains actes et de certaines affections comme un aveugle des couleurs ? Je n’y comprends rien moi-même : car j’ai beau interroger mon cœur, je n’y trouve pas même la pensée d’un tort envers toi ; je sens mon amour pour toi plus pur, plus grand que tout autre amour, et l’idée de te causer une souffrance m’est aussi étrangère et aussi odieuse que l’idée de commettre un crime.

« Mais raisonnons un peu, maman. Comment se fait-il que mon goût pour telle ou telle femme soit une injure pour toi et un danger pour moi qui doive t’inquiéter et te faire répandre des larmes ? Dans toutes ces occasions-là, tu m’as toujours considéré comme un homme à la veille de se déshonorer, et déjà, du temps de Mlle ***, tu te créais des soucis affreux, comme si cette personne devait m’entraîner à des fautes impardonnables. Aimerais-tu mieux que je fusse un suborneur qui porte le trouble dans les familles, et quand je rencontre des personnes de bonne volonté, dois-je donc jouer le rôle d’un Caton ? Cela