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avec ma mère que celle-ci lui avait dit : « Il ne tient qu’à moi d’épouser Maurice, et si j’étais ambitieuse comme vous le croyez, je donnerais ce démenti à vos insultes. Je sais bien à quel point il m’aime, et vous, vous ne le savez pas ! » Dès ce moment, la crainte de ce mariage s’empara de Mme Dupin, et, à cette époque, c’était une crainte puérile et chimérique.

Ni Maurice ni Victoire n’en avaient eu la pensée. Mais comme il arrive toujours qu’on provoque les dangers dont on se préoccupe avec excès, la menace de ma mère devint une prophétie, et ma grand’mère, Deschartres surtout, en précipitèrent l’accomplissement par le soin qu’ils prirent de l’empêcher.

Ainsi qu’il l’avait annoncé et promis, Maurice alla au Blanc, et de là il écrivit à sa mère une lettre qui peint bien la situation de son ame.

LETTRE XIX.

« Le Blanc, prairial an IX (mai 1801).

« Ma mère, tu souffres, et moi aussi. Il y a quelqu’un de coupable entre nous, qui, par bonne intention, je le reconnais, mais sans jugement et sans ménagement aucun, nous a fait beaucoup de mal. Voici, depuis la Terreur, le premier chagrin sérieux de ma vie : il est profond, et peut-être plus amer que le premier ; car, si nous étions malheureux alors, nous n’avions, du moins, pas de discussion ensemble, nous n’avions qu’une pensée,