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porte, la lui ferme au nez, en lui jetant, à travers la serrure, la promesse de partir le jour même, mais avec Maurice ; et Deschartres, furieux, atterré de tant d’audace, se consulte un instant et prend un parti qui met le comble à la folie de sa démarche. Il va chercher le maire et un des amis de la famille, qui remplissait je ne sais quelle autre fonction municipale. Je ne sais pas s’il ne fit pas avertir la gendarmerie. L’auberge de la Tête-Noire fut promptement envahie par ces respectables représentans de l’autorité. La ville crut un instant à une nouvelle révolution, à l’arrestation d’un personnage important, tout au moins.

Ces messieurs, alarmés par le rapport de Deschartres, marchaient bravement à l’assaut, s’imaginant avoir affaire à une armée de furies.

Chemin faisant, ils se consultaient sur les moyens légaux à employer pour forcer l’ennemi à évacuer la ville. D’abord il fallait lui demander ses papiers, et s’il n’en avait pas, il fallait exiger son départ et le menacer de la prison. S’il en avait, il fallait tâcher de trouver qu’ils n’étaient pas en règle et élever une chicane quelconque. Deschartres, tout boursouflé de colère, stimulait leur zèle. Il réclamait l’intervention de la force armée. Cependant l’appareil du pouvoir militaire ne fut pas jugé indispensable ; les magistrats pénétrèrent dans l’auberge, et, malgré les représentations de l’aubergiste, qui s’intéressait vivement à sa belle hôtesse,