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bien ! à plus forte raison, l’enfant pauvre et abandonnée, qui vient au monde avec sa beauté pour tout patrimoine, est-elle, pour ainsi dire, innocente de tous les entraînemens que subira sa jeunesse, de tous les piéges où tombera son inexpérience. Il semble que la prudente matrone serait placée en ce monde pour lui ouvrir ses bras, la consoler, la purifier et la réconcilier avec elle-même. À quoi sert d’être meilleur et plus pur que les autres, si ce n’est pour rendre la bonté féconde et la vertu contagieuse ? — Il n’en est point ainsi pourtant ! Le monde est là, qui défend à la femme estimée de tendre la main à celle qui ne l’est point, et de la faire asseoir à ses côtés. Le monde ! ce faux arbitre, ce code menteur et impie d’une prétendue décence et d’une prétendue moralité ! sous peine de perdre sa bonne renommée, il faut que la femme pure détourne ses regards de la pécheresse ; et, si elle lui tend les bras, le monde, l’aréopage des fausses vertus et des faux devoirs, lui ferme les siens.

Je dis les fausses vertus et les faux devoirs parce que ce n’est pas la femme vraiment pure, ce ne sont pas les matrones vraiment respectées qui ont exclusivement à statuer sur le mérite de leurs sœurs égarées. Ce n’est pas une réunion de gens de bien qui fait l’opinion : tout cela est un rêve. L’immense majorité des femmes du monde est une majorité de femmes perdues. Tous