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souvent des êtres que la société répute indignes et dégradés.

C’est que nous sentons que cette condamnation est absurde, c’est qu’elle fait horreur à Dieu. D’autant plus que, pour ce qu’on appelle le monde, elle est hypocrite et ne porte en rien sur la question fondamentale du bien et du mal. Le grand révolutionnaire Jésus nous a dit un jour une parole sublime : c’est qu’il y avait plus de joie au ciel pour la recouvrance d’un pécheur que pour la persévérance de cent justes : et le retour de l’enfant prodigue n’est pas un frivole apologue, je pense. Pourtant, il y a encore une prétendue aristocratie de vertu qui, fière de ses priviléges, n’admet pas que les égaremens de la jeunesse puissent être rachetés. Une femme née dans l’opulence, élevée avec soin, au couvent, sous l’œil de respectables matrones, surveillée comme une plante sous cloche, établie dans le monde avec toutes les conditions de la prudence, du bien-être, du calme, du respect de soi et de la crainte du contrôle des autres, n’a pas grand’peine et peut-être pas grand mérite à mener une vie sage et réglée, à donner de bons exemples, à professer des principes austères.

Et encore, je me trompe ; car si la nature lui a donné une ame ardente, au milieu d’une société qui n’admet pas la manifestation de ses facultés et de ses passions, elle aura encore beaucoup de peine et de mérite à ne pas froisser cette société. Eh