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jour pour faire une reconnaissance, je suis resté à m’entretenir avec ma bonne mère des émotions de la journée. Comme ta bonne grande lettre de huit pages est aimable ! Quel plaisir elle m’a fait ! Qu’il est doux d’être aimé, d’avoir une bonne mère, de bons amis, une belle maîtresse, un peu de gloire, de beaux chevaux et des ennemis à combattre ! J’ai de tout cela, et, de tout cela, ce qui est le meilleur, c’est ma bonne mère ! » « MAURICE. » Il y a, dans certaines existences, un moment où nos facultés de bonheur, de confiance et d’ivresse atteignent leur apogée. Puis, comme si notre ame n’y pouvait plus suffire, le doute et la tristesse étendent sur nous un nuage qui nous enveloppe à jamais. Ou bien est-ce la destinée qui s’obscurcit, en effet, et sommes-nous condamnés à descendre lentement la pente que nous avons gravie avec l’audace de la joie ?

Pour la première fois, le jeune homme venait de ressentir les atteintes d’une passion durable. Cette femme, dont il vient de parler avec un mélange d’enthousiasme et de légèreté, cette gracieuse amourette qu’il croyait peut-être pouvoir oublier comme il avait oublié la chanoinesse et plusieurs autres, allait s’emparer de toute sa vie et l’entraîner dans une lutte contre lui-même, qui fit le tourment, le bonheur, le désespoir et la grandeur de ses huit dernières années. Dès