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fort contens les uns des autres. Il était temps, car je commençais à pouffer de rire, de nous voir mon camarade et moi, deux vauriens de hussards, assis majestueusement à la droite et à la gauche du pape. C’eût été un vrai calvaire, s’il y eût eu un bon larron.

« Le lendemain, nous fûmes présentés chez la duchesse Lanti. Il y avait un monde énorme. J’y rencontrai le vieux chevalier de Bernis et le jeune Talleyrand, aide-de-camp du général Damas. Je renouvelai connaissance avec M. de Bernis, et je me mis à causer avec lui de Paris et du monde entier. Ma liaison avec ces deux personnages fit un grand effet dans l’esprit des Romains et des Romaines, et c’est à cela seulement qu’ils voulurent bien reconnaître que nous n’étions pas des brigands venus pour mettre le feu aux quatre coins de la ville éternelle.

« La manière dont nous nous gobergions leur donna aussi une grande idée de notre mérite. Le général Dupont nous avait donné beaucoup d’argent pour représenter dignement la nation française, et nous nous en acquittâmes le mieux du monde. Nous avions voitures, loges, chevaux, concerts chez nous et dîners fins. C’était fort divertissant, et nous avons si bien fait que nous revenons sans un sou. Cette fois, nous avons servi la patrie fort commodément ; mais nous laissons aux Romains une grande admiration pour notre magnificence, et aux pauvres