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jambes. Le général m’envoie l’arrêter. C’était là chose impossible. Je trouve l’infanterie pêle-mêle avec la cavalerie, les bagages et les chevaux de main. Les blessés abandonnés sur la route et écrasés par les caissons et l’artillerie. Des cris affreux, une poussière à ne pas se voir à deux pas de soi. Dans cette extrémité, je me jette hors de la route et cours en avant, criant : halte à la tête ! Je cours toujours ; pas un chef, pas un officier. Je rencontre Caulincourt le jeune, blessé à la tête, et fuyant, emporté par son cheval. Enfin je trouve un aide-de-camp. Nous faisons nos efforts pour arrêter le désordre. Nous donnons des coups de plat de sabre aux uns, des éloges aux autres ; car, parmi ces désespérés il y avait encore bien des braves. Je descends de cheval, je fais mettre une pièce en batterie, je forme un peloton. J’en veux former un second. À peine avais-je commencé que le premier avait déjà déguerpi. Nous abandonnons l’entreprise et courons rejoindre le général en chef. Nous voyons Bonaparte battre en retraite.

« Il était deux heures ; nous avions déjà perdu, tant prises que démontées, douze pièces de canon. La consternation était générale ; les chevaux et les hommes harassés de fatigue, les blessés encombraient les routes. Je voyais déjà le Pô, le Tesin à repasser ; un pays à traverser dont chaque habitant est notre ennemi, lorsqu’au milieu de ces tristes réflexions, un bruit consolateur vient