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bonheur, toute la joie, toutes les affections de ma vie ! Je n’aurai pas assez de tout mon être pour te recevoir, t’embrasser, te presser contre mon cœur, je mourrai de joie.

« Mande-moi donc promptement où je pourrai t’envoyer de l’argent. Dans ce village de Winfeld, il n’y a pas moyen, car tu n’y resteras pas. Si ton régiment séjournait quelque part, je t’enverrais courrier par courrier ce que tu me demanderais. En attendant, tu recevras, j’espère, les quarante écus que je vais envoyer aujourd’hui à M.

Dupré. Il serait fâcheux qu’ils s’égarassent ! L’argent est si rare, que six louis, c’est un trésor aujourd’hui. Je ne sais où est M.

d’Harville. Je vais lui écrire vite pour lui demander ta grâce, et j’adresserai ma lettre à Paris, rue Neuve-des-Capucines, n° 531.

« Adieu, mon enfant, ménage ta vie, la mienne y est attachée ; ne couche pas dans l’eau. Chaque peine que tu éprouves, je l’endure. Tu n’as point été ébranlé par ce premier coup de canon. Mon Dieu ! il me passe à travers le cœur ! Je suis sûre que ce sont les mères qui lui ont fait cette réputation. Pour toi, tu riais de voir fuir ces pauvres Russes dans les montagnes, le bruit des armes te ravissait comme lorsque tu étais enfant. Mais le soir, à la lueur de ces grands feux, qu’as-tu vu ? Tu as beau jeter un voile sur ces horreurs, mon imagination le soulève, et, comme toi, je frémis.