Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/223

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Je te vois étonnée, confondue de ce langage, me faire cent questions, me demander mille éclaircissemens : Comment je suis en Suisse, pourquoi j’ai quitté Thionville. Je vais répondre à tout cela et te déduire les circonstances et les raisonnemens qui ont dirigé ma conduite. La crainte de t’inquiéter inutilement m’a empêché de te tenir au courant.

« Je suis militaire. Je veux suivre cette carrière. Mon étoile, mon nom, la manière dont je me suis présenté, mon honneur et le tien, tout exige que je me conduise bien et que je mérite les protections qui me sont accordées. Tu veux surtout que je ne reste pas confondu dans la foule et que je devienne officier. Eh bien ! ma bonne mère, il est aussi impossible maintenant, dans l’armée française, de devenir officier, sans avoir fait la guerre, qu’il l’eût été, au 13e siècle, de faire un Turc évêque, sans l’avoir fait baptiser. C’est une certitude dont il faut absolument que tu te pénètres. Un homme, quel qu’il fût, arrivant comme officier dans un corps quelconque, sans avoir vu le feu des batteries, serait le jouet et la risée, sinon de ses camarades, qui sauraient apprécier d’ailleurs ses talens, mais de ses propres soldats, qui, incapables de juger le talent, n’ont d’estime et de respect que pour le courage physique. Frappé de ces deux certitudes, la nécessité d’avoir fait la guerre pour être officier, d’une part ; la nécessité d’avoir fait la guerre