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nous ; et nous n’en sommes que plus soumis et plus respectueux quand ils sont dans leurs fonctions et nous dans les nôtres.

« Mon brigadier et mon maréchal-des-logis sont pour moi aux petits soins et me choyent comme si j’étais leur supérieur, ce qui est tout le contraire. Ils ont le droit de me commander et de me mettre à la salle de police, et pourtant ce sont eux qui me servent comme s’ils étaient mes palefreniers. À la manœuvre, j’ai toujours le meilleur cheval, je le trouve tout sellé, tout bridé, tenu en main par ces braves gens qui, pour un peu, me tiendraient l’étrier. Quand la manœuvre est finie, ils m’ôtent mon cheval des mains et ne veulent plus que je m’en occupe. Avec cela ils sont si drôles que je ris avec eux comme un bossu. Mon fourrier surtout est un homme à principes d’éducation et il fait le Deschartres avec ses conscrits ; ce sont de bons petits paysans qu’il veut absolument former aux belles manières.

Il ne leur permet pas de jouer aux palets avec des pierres, parce que cela sent trop le village. Il s’occupe aussi de leur langage ; hier il en vint un pour lui annoncer que les chevaux étions tretous sellés. Comment ! lui dit-il, d’un air indigné, ne vous ai-je pas dit cent fois qu’il ne fallait pas dire tretous ? On dit tout simplement : Mon fourrier v’la qu’c’est prêt. Au reste, je m’y en vas moi-même. « Et le voilà parti après cette belle leçon. »