Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée

des années pour perdre les fruits de cette détestable éducation, pour apprendre sa langue en étudiant le latin qu’il sait mal et le grec qu’il ne sait pas du tout, pour former son goût, pour avoir une idée juste de l’histoire, pour perdre ce cachet de laideur qu’une enfance chagrine et l’abrutissement de l’esclavage ont imprimé sur son front, pour regarder franchement et porter haut la tête. C’est alors seulement qu’il aimera sa mère ; mais déjà les passions s’emparent de lui, et il n’aura jamais connu cet amour angélique dont je parlais tout à l’heure et qui est comme une pause pour l’ame de l’homme, au sein d’une oasis enchanteresse, entre l’enfance et la puberté.

Ceci n’est point une conclusion que je prends contre l’éducation universitaire. En principe, je reconnais les avantages de l’éducation en commun. En fait, telle qu’on la pratique aujourd’hui, je n’hésite pas à dire que tout vaut mieux, en fait d’éducation, même celle des enfans gâtés à domicile.

Au reste, il ne s’agit pas ici de conclure sur un fait particulier.

Une éducation comme celle que reçut mon père ne saurait servir de type. Elle fut à la fois trop belle et trop défectueuse. Brisée deux fois, la première par une maladie de langueur, la seconde par les émotions de la terreur révolutionnaire, et par l’existence précaire et décousue qui en fut la suite, elle ne fut jamais complétée. Mais telle qu’elle fut, elle