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Mais il est probable que cela ne réussit point, car Aurore se décida, vers l’âge de trente ans, à épouser M. Dupin de Francueil, mon grand-père, qui en avait alors soixante-deux.

M. Dupin de Francueil, le même que Jean-Jacques Rousseau, dans ses Mémoires, et Mme d’Epinay, dans sa Correspondance, désignent sous le nom de Francueil seulement, était l’homme charmant par excellence, comme on l’entendait au siècle dernier. Il n’était point de haute noblesse, étant fils de M. Dupin, fermier-général, qui avait quitté l’épée pour la finance. Lui-même était receveur général à l’époque où il épousa ma grand’mère. C’était une famille bien apparentée et ancienne, ayant quatre in-folio de lignage bien établi par grimoire héraldique, avec vignettes coloriées fort jolies. Quoi qu’il en soit, ma grand’mère

    s’adresse pour obtenir du pain. J’ai été reconnue ; madame la dauphine a pris soin de mon éducation après la mort de mon père. Cette princesse m’a retirée de St-Cyr pour me marier à M. de Horn, chevalier de St-Louis et capitaine au régiment de Royal-Bavière. Pour ma dot, elle a obtenu la lieutenance de roy de Schelestadt. Mon mari en arrivant dans cette place, au milieu des fêtes qu’on nous y donnait, est mort subitement. Depuis, la mort m’a enlevé mes protecteurs, M. le dauphin et madame la dauphine. Fontenoi, Raucoux, Laufeld sont oubliés. Je suis délaissée. J’ai pensé que celui qui a immortalisé les victoires du père s’intéresserait aux malheurs de la fille. C’est à lui qu’il appartient d’adopter les enfants du héros et d’être mon soutien, comme il est celui de la fille du grand Corneille. Avec cette éloquence que vous avez consacrée à plaider la cause des malheureux, vous ferez retentir dans tous les cœurs le cri de la pitié, et vous acquerrez autant de droits sur ma reconnaissance, que vous en avez déjà sur mon respect et sur mon admiration pour vos talents sublimes. »

    Réponse.

    « 2 septembre 1768, au château de Ferney.

    « Madame,

    « J’irai bientôt rejoindre le héros votre père et je lui apprendrai avec indignation l’état où est sa fille. J’ai eu l’honneur de vivre