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HISTOIRE DE MA VIE

l’état sauvage. Les mères fauvettes sont beaucoup plus sévères que nous, et Jonquille aurait mangé seule quinze jours plus tôt, si j’avais eu la sagesse de l’y forcer en l’abandonnant à elle-même et en ne cédant pas à ses importunités.

Agathe était un petit enfant insupportable. Elle ne faisait que remuer, crier, secouer ses plumes naissantes et tourmenter Jonquille, qui commençait à réfléchir et à se poser des problèmes, une patte rentrée sous le duvet de sa robe, la tête enfoncée dans les épaules, les yeux à demi fermés.

Pourtant elle était encore très-petite fille, très-gourmande, et s’efforçait de voler jusqu’à moi pour manger à satiété, dès que j’avais l’imprudence de la regarder.

Un jour j’écrivais je ne sais quel roman qui me passionnait un peu ; j’avais placé à quelque distance la branche verte sur laquelle perchaient et vivaient en bonne intelligence mes deux élèves. Il faisait un peu frais. Agathe, encore à moitié nue, s’était serrée et blottie sous le ventre de Jonquille, qui se prêtait à ce rôle de mère avec une complaisance généreuse. Elles se tinrent tranquilles toutes les deux pendant une demi-heure, dont je profitai pour écrire ; car il était rare qu’elles me permissent tant de loisir dans la journée.

Mais enfin l’appétit se réveilla, et Jonquille sautant sur une chaise, puis sur ma table, vint effacer le dernier mot au bout de ma plume, tandis qu’Agathe, n’osant quitter la branche, battait des ailes et allongeait de mon côté son bec entr’ouvert avec des cris désespérés.

J’étais au milieu de mon dénoûment, et pour la première fois je pris de l’humeur contre Jonquille. Je lui fis observer qu’elle était d’âge à manger seule, qu’elle avait sous le bec une excellente pâtée dans une jolie soucoupe, et que j’étais résolue à ne point fermer les yeux plus long-