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LETTRE II

Passy, 8 floréal an II de la République (avril 1794).

Nous nous serons certainement rencontrés en regardant le Panthéon, car je suis resté très-longtemps sur la hauteur. Mon Dieu, ma bonne mère, quelle triste ressource ! Si j’étais deux cents toises plus haut avec un télescope, je découvrirais les Anglaises.

Ce soir, après notre entrevue (à une lieue de distance !), j’ai été me promener au bois de Boulogne, et j’y ai eu le divertissement d’un orage. Je n’ai pas perdu une goutte d’eau ni un grain de grêle. Il ne faut pas que cela t’inquiète, je ne m’en porte que mieux. Je suis arrivé, au milieu des vents fougueux et des noirs torrents, à la municipalité, dont les membres sont très-polis. Et comme quelqu’un disait qu’il croyait qu’on nous renverrait plus loin, il y eut un des municipaux qui nous assura le contraire, en nous faisant des politesses et en nous disant qu’ils en seraient très-fâchés. J’aimerais mieux être renvoyé à Paris couvert de sottises que complimenté de la sorte.

Bonsoir, ma bonne et tendre mère, je t’embrasse de tout mon cœur. Il y a déjà six jours que je n’ai eu ce bonheur-là ; que c’est long et déchirant !


LETTRE III

(Après une seconde lacune.)

Passy, 19 floréal an II (mai 1794).

Si mon exil est un chagrin bien grand pour moi, ma