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— Il sera monté se rhabiller, dit M. le comte avec ironie, et vous pouvez encore le recevoir ; il n’est pas bien tard.

Je suivis monsieur, qui prit le parterre pour regagner son rez-de-chaussée. Il ne s’étonna pas de voir la porte-fenêtre du petit salon ouverte, et il entra tranquillement ; mais aussitôt j’entendis un cri étouffé et vis M. le comte ressortir en tenant à la gorge M. de Salcède, qu’il avait surpris chez lui. Monsieur n’avait aucune arme, sans quoi il l’eût certainement égorgé. Il essayait de l’étrangler, et sans doute la fureur décuplait ses forces ; mais M. de Salcède, qui était plus fort que lui, se dégagea aisément et lui dit d’une voix assez calme :

— Pas de bruit ! Au jardin ! expliquons-nous au jardin !

Le jardin n’était séparé du parterre par aucun mur. Ces messieurs s’éloignèrent donc ; je remarquai que le marquis tenait un bouquet qu’il n’avait pas lâché dans la lutte, et qu’il cachait sur sa poitrine sans que monsieur, exaspéré, y fît attention. Il ne pensait qu’à tuer son rival, car il se retourna et me dit :

— Deux fusils de chasse, les premiers venus : on tirera au sort. Courez !

— Il n’en trouvera pas, répondit M. de Salcède ; qu’il apporte le vôtre, vous en disposerez, si vous me trouvez coupable.

Ils s’éloignèrent, et mon premier mouvement fut