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remettre à sa place un malheureux être trop longtemps déclassé. Il est bien vrai qu’après les extrémités auxquelles mon zèle m’avait porté, je n’étais plus aussi sûr que je l’eusse été dix ans auparavant de mériter cette réhabilitation. Elle m’en croyait digne, elle ignorait mon long espionnage et ma terrible campagne au Refuge. J’usurpais donc ma place dans la haute estime qu’elle m’accordait.

Mais ignorait-elle absolument les excès de mon dévouement pour Roger ? Salcède n’avait-il pas découvert ma ruse ? ne me ménageait-on pas d’autant plus qu’on avait lieu de me redouter ? Ces réflexions troublaient souvent mon sommeil. Je me voyais englué dans des relations intimes qui rendraient bien pénible mon opposition aux projets de l’avenir ; mais ces projets existaient-ils ? Voulait-on amener M. de Flamarande à être forcé de reconnaître Gaston ? oserait-on jamais lever ce drapeau ? espérait-on le convaincre et le séduire en lui montrant Gaston devenu par les soins de Salcède un petit prodige d’intelligence et de savoir ? Non, on ne pouvait pas oser ceci ni cela. Attendrait-on la mort du comte ? On pouvait attendre longtemps. Il était encore jeune et avait pris le dessus sur l’affection chronique dont il avait été longtemps menacé.

En somme, les années s’écoulaient sans qu’aucune tentative fût faite en ce sens, et sans que madame de Flamarande fît des absences possibles à