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laissé souffrir bien cruellement ; mais j’ai compris votre silence. Le jour où j’ai connu les faits, j’ai vu pourquoi vous aviez caché mon fils à Flamarande, et je sais que tout a été combiné par vous dans son intérêt et dans le mien. Vingt fois j’ai été sur le point de vous en remercier, mais votre attitude et votre regard me disaient clairement : « Ne me parlez pas, vous feriez échouer mon dévouement ! » ou peut-être étiez-vous engagé par serment avec mon mari, et je ne devais pas détourner de son devoir un homme si généreux et si austère ; mais vous m’avez crue aveuglée, injuste, ingrate, vous me l’avez fait sentir une fois… J’aurais dû parler ; que de chagrins cela eût pu épargner, de nous entendre ! c’était impossible alors, je ne savais pas tout, je ne vous connaissais pas assez. Je ne suis pas méfiante, mais il s’agissait de mon fils, et vous comprenez que pour un fils on soit capable de faire violence à tous ses instincts comme à toutes ses idées ; puis j’ai cru plus tard que vous teniez à ne pas être interrogé. Depuis longtemps déjà je vous vois réservé, sombre et soigneux de m’éviter. Je m’en inquiète, Roger s’en alarme,… et hier je vous rencontre dans ces rochers faisant la figure d’un homme qui a de mauvais desseins contre lui-même. J’ai eu très-peur pour vous, voilà pourquoi je vous ai demandé de m’accompagner, bien que je n’eusse en aucune façon le vertige. Allons, mon brave Charles, il faut à présent vous réconcilier avec la