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vait toujours frappé ; ses mains étaient toujours belles et fines malgré la teinte verte des ongles, signe indélébile du botaniste en activité, et quelques légères callosités dues au travail du géologue. Il portait la barbe courte, entière et frisée naturellement ainsi que sa chevelure, qui était blanche comme la neige, tandis que la barbe était d’un gris argenté. La fatigue et les intempéries n’avaient pas rougi la peau de son visage, qui restait pâle, un peu bistrée. À quelques pas de distance, on pouvait, à moins d’une vue très-nette, prendre cette belle tête pour celle d’un homme de cinquante ans blanchi prématurément ; mais, de près, les tempes lisses, la bouche fraîche, la narine dilatée, le cou rond et sans pli, le sourcil noir en arc bien dessiné, c’étaient là des signes de jeunesse indiscutables, et en somme le marquis de Salcède, qui n’avait alors qu’une trentaine d’années, était plus beau encore avec son costume rustique et ses cheveux blancs que je ne l’avais jamais vu. Madame de Montesparre pouvait être plus que jamais éprise de lui, — madame de Flamarande aussi !

Je remarquai qu’il portait sur sa poitrine une sorte de scapulaire en maroquin noir. Ce devait être le fameux bouquet reposant sur la cicatrice du duel ; mais peut-être y avait-il un billet dans cette relique… M’en emparer devint une obsession insurmontable. C’était risquer le tout pour le tout. Je pensai à Roger, à mon honneur, que je ne pour-