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deur ou dans la beauté de l’idée qui nous les fait supporter. Je ne suis point lâche, et, si j’ai tant souffert, c’est que j’étais mécontent de moi-même. Depuis que je répare, je sens revenir ma fierté de vivre et cette sorte de joie qui consiste à atteindre un but digne de soi.

» Elle vous aura dit avec quel bonheur elle a pu embrasser son fils sauvé. Ce qu’elle ne vous aura pas dit, c’est l’héroïsme avec lequel, toute seule et par une saison encore rigoureuse chez nous, elle a traversé nos neiges et nos ravins pour venir soigner le cher malade. Je n’avais rien pu combiner pour lui rendre le voyage moins pénible ; je ne voulais pas quitter l’enfant, même pendant une heure. Ambroise ne savait pas plus que moi à quel moment précis elle arriverait. Il l’a attendue une nuit entière auprès de Montesparre, mais sans se montrer au village, où il est connu. Caché avec sa petite charrette dans un taillis, il a guetté et recueilli la pauvre voyageuse. Le malheureux mulet, le seul qu’il eût pu se procurer secrètement, était presque mort de faim et de froid. Il ne marchait pas ; elle a marché, elle, d’un pas rapide et résolu en prenant par des sentiers à travers les abîmes. Ambroise, l’ayant perdue de vue, a été fort inquiet ; enfin, lorsqu’il est arrivé, il l’a trouvée au chevet de l’enfant. Pauvre femme ! elle n’a pu se défendre de le couvrir de ses baisers et de ses larmes en l’appelant son fils ; et lui, souriant et rayon-