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reproche rien, Charles, rien, entendez-vous ? Je vous supplie de ne pas gâter trop Roger, mais aimez-le et ne le quittez pas, voilà ce que je vous dis sincèrement, car je le pense. Bonsoir, mon ami, ne vous tourmentez plus et croyez bien que je sais vous apprécier.

Elle ne me permit pas de répliquer un mot, car elle s’était levée et elle passa dans sa chambre, où dormait Roger.

Congédié avec ces paroles de bonté, je me retirai plus oppressé, plus mécontent d’elle et de moi qu’auparavant. Elle savait tout et ne daignait pas me faire de reproches. Je n’étais rien pour elle qu’une force aveugle au service de son mari. Si elle maudissait le bourreau, elle ne voulait pas qu’on s’en doutât, et elle ne s’en prenait pas à moi, l’instrument de torture ; désormais satisfaite et consolée, elle pardonnait, mais du haut de sa froide bienveillance et de sa systématique douceur. Ah ! que la scène eût été différente, si elle m’eût laissé lui dire que je la savais coupable ! C’est alors que je l’eusse vue peut-être encore à mes pieds.

— Eh bien, ce moment viendra, me disais-je. Je la suivrai et je l’observerai si bien que je la surprendrai avec M. de Salcède. Il faudra bien alors qu’elle sente en moi quelque chose de plus que l’espion de son mari, car celui-ci ne saura rien, et je la condamnerai tout seul. Je l’épouvanterai pour mon propre compte. Qu’elle s’humilie alors, qu’elle me