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seignements et des précautions. On laissa les voitures et les bagages dans une auberge isolée, à l’enseigne de la Violette. Là nous attendait une petite calèche de louage assez légère pour nous transporter sur les hauteurs avec des chevaux frais. Chacun de nous prit un sac de nuit, je montai sur le siége avec mademoiselle Julie, la femme de chambre. Les deux époux dans la voiture échangeaient leurs exclamations admiratives.

Monsieur avait de la lecture et du goût. Quant à madame, j’ignorais absolument si elle avait de l’esprit : les femmes, jalouses de sa beauté, disaient qu’elle était dépourvue d’intelligence ; les hommes répondaient qu’elle était assez belle pour s’en passer. Pour moi, ne la voyant que par instants et sans jamais l’entendre causer, je n’avais aucune opinion à cet égard. Mon service me tenait confiné dans les appartements du mari, et on pense bien que je ne servais pas à table.

Monsieur faisait remarquer à madame l’étrangeté et la beauté des sites. J’écoutais pour faire mon profit de ses connaissances, lorsque monsieur fit un cri de surprise en prononçant un nom nouveau pour moi, Salcède ! et il me donna l’ordre de faire arrêter les chevaux.

Aussitôt il mit pied à terre et courut embrasser un piéton qu’à première vue j’eusse pris pour un colporteur ambulant. C’était un grand garçon vêtu d’habits grossiers, couvert de poussière, le chapeau