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crut que le bon Dieu, qui abandonne tant de maris aux hasards de la guerre, faisait un miracle pour lui, il prit le petit Gaston.

— Il s’appelait Gaston ?

— Oui, Gaston ; il paraît que c’était un nom à la mode de ce temps-là, et il commanda à ses valets de le faire mourir ; mais ils eurent pitié du petit et le laissèrent avec la chienne levrette de la dame, qui les avait suivis, dans un bois des environs qu’on appelle, depuis ce temps-là, le bois Gaston. La levrette ne rentra pas ; elle abandonna ses petits et nourrit l’enfant, et un beau jour on le vit revenir au château, tout grand et tout fort, mais d’un air si sauvage qu’on en eut peur. Il ne parlait point et ne put dire qui il était. Personne ne s’en douta. On voulait le chasser. La dame de Flamarande seule en eut pitié et commanda qu’on lui donnât du pain et des habits. Elle obtint de son mari qu’on lui ferait garder les vaches, et du chapelain qu’on lui apprendrait à parler et à connaître le bon Dieu. Et plus tard, devenu chef des vacheries de Flamarande, il fut grand homme de bien, et mourut comme un saint, sans jamais avoir connu sa seigneurie ni songé à la réclamer.

— Et voilà tout ? Comment a-t-on fait pour savoir que cet enfant, nourri dans les bois, était un Mandaille ?

— Il n’était pas un Mandaille. Quand il fut mort, comme on le mettait dans la bière, on trouva sur