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riosité. Il avait en tout une certaine lenteur grave, et on disait dans la famille que celui-là ne remuait jamais un doigt sans avoir demandé à sa tête s’il devait le remuer. Mes yeux, qui avaient l’habitude de le chercher, tombèrent sur lui. Je le vis assis tranquillement dans la chapelle, sur le ballot de paille qui contenait les os de son grand-père, et paraissant réfléchir profondément.

— À quoi penses-tu ? lui dis-je, frappé de cette physionomie dont l’expression calme et chercheuse semblait devancer les pensées et les réflexions d’un autre âge.

Il crut que je lui reprochais de s’être assis sur cette paille et se leva en disant :

— Je ne fais point de mal.

Je lui tendis la main, je savais qu’il n’aimait pas à être embrassé, et j’obtenais de lui de temps en temps qu’il plaçât sa petite main dans la mienne. Il n’était point démonstratif et ne caressait personne au monde que la petite Charlotte, ma filleule, sur les genoux de sa mère.

Quand tout fut déballé, le roulier qui avait amené ces tombes et que je n’avais pas songé à regarder vint à moi et me dit avec une voix qui me fit tressaillir :

— Eh bien, monsieur Charles, êtes-vous content de moi ? n’ai-je rien cassé en route ?

— Ambroise Yvoine ! m’écriai-je en levant la tête, comment, c’est vous ?…