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écriture et d’une orthographe passable signée Ambroise. Yvoine se trouvant à la ferme à la réception de mon envoi, il avait été chargé de m’écrire au nom de la famille et de me remercier. La maison était très-préoccupée de la mort récente du vieux fermier, qui était fort aimé et fort regretté des siens. Les enfants se portaient bien, ma filleule était superbe, ma commère florissante, et le petit Espérance commençait à rire et à jaser en français. « C’est un enfant charmant, disait Yvoine, et tout le monde l’aime beaucoup. Il paraît avoir oublié son pays et ses parents, car il n’est plus triste et ne pleure jamais. »

J’expédiai aussitôt à Yvoine une belle pipe montée en argent, et je lui écrivis pour le remercier de sa lettre. Je le priais de me donner souvent des nouvelles de ma filleule et de la famille, sans oublier le petit étranger. Involontairement je traitais Yvoine en ami. Je sentais en lui un aide ou un adversaire, et sans me rendre compte de ce que je pouvais avoir à craindre, je songeais à lui avec une préoccupation vague mais constante.

M. le comte arriva le 10 janvier, avec madame et le petit Roger, que je n’avais pas vu depuis six mois et qui devenait merveilleusement beau, moins beau pourtant, à mon sens, que Gaston. Ces deux enfants ne se ressemblaient sous aucun rapport. Roger était blond, il avait les traits purs et l’air de douceur de sa mère. Gaston ne ressemblait