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— Vous devriez le regretter. Il vous payait bien et vous employait souvent ?

Yvoine ne parut pas entendre ; il pensait à la vache que Michelin voulait lui vendre, et il lui parlait avec animation du prix des bêtes à la dernière foire de Salers. Je l’observai attentivement, et, voyant qu’il ne s’intéressait à rien autre chose, qu’il ne faisait même pas attention à Espérance, qu’il eût fort bien pu reconnaître, je me rassurai et m’applaudis d’avoir affaire à des gens si peu observateurs ou si peu curieux.

Un mince accident changea le cours de l’interminable discussion établie entre Michelin et Yvoine à propos de la vache borgne qui faisait l’objet du litige. Une des petites filles rentra en apportant une poule qu’une pierre détachée du donjon venait d’écraser à deux pas d’elle. Suzanne Michelin s’apitoya un peu sur la poule ; puis, s’adressant à moi, elle se plaignit du danger continuel que cette ruine faisait courir à ses enfants.

— Les pierres pleuvent de là, me dit-elle, et il y a des endroits où nous n’osons plus aller ; mais comment tenir des enfants qui ne font que ce qui leur est défendu ?

Michelin appuya le dire de sa femme et me pria d’informer M. le comte.

— Le donjon est bien solide, dit-il, et durera plus longtemps que nous tous. Il n’y a que le couronnement qui s’en va, et, tant qu’il y aura un ma-