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les eaux le 16 mai à deux heures de l’après-midi et que j’avais quitté Sévines à midi ; j’avais été dépêché par M. le comte pour une rentrée importante qu’il avait à faire à Marseille et qui lui causait quelque inquiétude. Auparavant, j’avais été à la ferme de Montcarreau, où il y avait aussi de l’argent à toucher. Le fermier m’ayant fait attendre, je ne m’étais mis en route pour Marseille que le soir, et j’avais pris la poste après avoir, par l’ordre du comte, vendu en route le cheval dont il voulait se défaire. Enfin, à Marseille, j’étais censé avoir reçu de M. le comte une lettre qui m’ordonnait, aussitôt après avoir touché l’argent, de me rendre à Pérouse. Cette lettre n’entrant dans aucun détail, je devais ignorer absolument l’événement de Sévines et témoigner beaucoup d’étonnement et de consternation à Julie, la seule personne qui pût m’en parler, car elle était la seule qu’on dût mener à Pérouse. Quant à madame, il n’était pas probable qu’elle eût l’idée de m’interroger ; mais ma leçon était faite, je pouvais l’attendre de pied ferme.

De pied ferme ! oui, sans doute, j’avais pris déjà l’habitude du rôle impassible qui m’était imposé ; mais mon cœur m’étouffa quand je vis descendre de voiture cette femme si belle et si heureuse un mois auparavant. Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Bien qu’elle n’eût pas fait de maladie grave en apprenant son malheur, elle dépérissait,