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son enfant pour le confier à une de ses amies, pleura beaucoup. Je dus la brusquer un peu pour l’emmener, et je la conduisis sans encombre à Sévines. Le jour paraissait quand j’aperçus dans l’aube pâle et grisâtre les grands arbres du parc au-dessus de la terrasse dont les eaux jaunes du fleuve battaient le pied. Mon cœur était serré ; j’avais froid. Ce cocher qui fouettait avec rage ses chevaux effrayés par le mugissement de la Loire, cette femme qui pleurait à mes côtés, ce château où tant d’autres larmes plus douloureuses allaient couler…, tout était sinistre, et je tremblais comme un criminel.

Le médecin était déjà rendu, et déjà l’enfant était né ; madame n’avait pas fait entendre une plainte. M. le comte ne pouvait croire que ce fût déjà fini. On lui présentait son fils, qu’il ne regarda ni ne toucha. Il paraissait aussi calme que j’étais agité.

— Tout va bien, me dit-il en me prenant à l’écart. J’avais bien compté sur une inondation à cette époque de l’année, mais en voici une qui dépasse mes espérances. Elle entre déjà dans le parc par le côté de la prairie. Dans la journée, votre Niçoise promènera l’enfant de ce côté-là. Il faudra qu’on la voie s’y rendre et qu’on ne la voie pas rentrer. Vous me comprenez ?

— Où la cacherai-je ?

— Dans mon propre appartement, où vous la conduirez par la galerie. Il s’agit de n’être pas