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injuste et désespérée, elle allait maudire l’amour, il la forçait de croire à l’amour et de regarder son désastre comme un accident dont le ciel voulait la dédommager. Palmer, d’une beauté froide et régulière, se transfigurait à chaque instant sous le regard étonné, incertain et attendri de la femme aimée. Sa timidité, qui donnait à ses premières ouvertures quelque chose de rude, faisait place à l’expansion, et, pour s’exprimer avec moins de poésie que Laurent, il n’en arrivait que mieux à la persuasion.

Thérèse découvrit l’enthousiasme sous cette écorce un peu âpre de l’obstination, et elle ne put s’empêcher de sourire avec attendrissement en voyant la passion avec laquelle il prétendait poursuivre froidement le dessein de la sauver. Elle se sentit touchée et se laissa arracher la promesse qu’il exigeait.

Tout à coup, elle reçut une lettre d’une écriture inconnue, tant elle était altérée. Elle eut même peine à déchiffrer la signature. Elle parvint cependant, avec l’aide de Palmer, à lire ces mots :

« J’ai joué, j’ai perdu ; j’ai eu une maîtresse, elle m’a trompé, je l’ai tuée. J’ai pris du poison. Je me meurs. Adieu, Thérèse.

« LAURENT. »

— Partons ! dit Palmer.

— Ô mon ami, je vous aime ! répondit Thérèse en se jetant dans ses bras. Je sens maintenant combien vous êtes digne d’être aimé.

Ils partirent à l’instant même. En une nuit, ils arrivèrent par mer à Livourne, et, le soir, ils étaient à Florence. Ils trouvèrent Laurent dans une auberge, non pas mourant, mais dans un accès de fièvre cérébrale si violent, que quatre hommes ne pouvaient le tenir. En voyant Thérèse, il la reconnut, et s’attacha à elle en lui criant qu’on voulait l’enterrer