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seul qui eût mené une vie dissolue avec toutes les pires dévergondées de Paris ? Et, pour ceux qui ne voulurent pas condamner Thérèse, la passion violente de Laurent ne parut être qu’une rouerie menée à bonne fin, et dont il était assez habile pour se dépêtrer quand il en serait las.

Ainsi de toutes parts mademoiselle Jacques fut déconsidérée pour le choix qu’elle venait de faire et qu’elle paraissait vouloir afficher.

Telle n’était pas, à coup sûr, l’intention de Thérèse ; mais, avec Laurent, bien qu’il eût résolu de l’entourer de respect, il n’y avait guère moyen de cacher sa vie. Il ne pouvait renoncer au monde extérieur, et il fallait l’y laisser retourner pour s’y perdre, ou l’y suivre pour l’en préserver. Il était habitué à voir la foule et à en être vu. Quand il avait vécu un jour dans la retraite, il se croyait tombé dans une cave, et demandait à grands cris le gaz et le soleil.

Avec la déconsidération arriva bientôt pour Thérèse un autre sacrifice à faire : celui de la sécurité domestique. Jusque-là, elle avait gagné assez d’argent par son travail pour mener une vie aisée ; mais ce n’était qu’à la condition d’avoir des habitudes réglées, beaucoup d’ordre dans ses dépenses et de suite dans ses occupations. L’imprévu qui charmait Laurent amena la gêne. Elle le lui cacha, en ne voulant pas lui refuser le sacrifice de ce précieux temps, qui est surtout le capital de l’artiste.

Mais tout ceci n’était que le cadre d’un tableau bien plus sombre sur lequel Thérèse jetait un voile si épais, que personne ne se doutait de son malheur, et que ses amis, scandalisés ou peinés de sa situation, s’éloignaient d’elle en disant :

— Elle est enivrée. Attendons qu’elle ouvre les yeux ; cela viendra bien vite !

Cela était tout venu. Thérèse acquérait tous les jours la triste certitude que Laurent ne l’aimait déjà plus, ou qu’il l’aimait si mal, qu’il n’y avait dans leur union pas plus d’espoir de bonheur pour lui que pour elle. C’est en Italie que la certitude absolue en fut tout à fait acquise pour tous deux, et c’est leur voyage en Italie que nous allons raconter.




VI


Il y avait longtemps que Laurent voulait voir l’Italie ; c’était son rêve