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d’oublier encore cette folie de sa part et d’apaiser la crise par sa douceur et sa raison.

— Je ne veux que ce que vous voudrez, lui dit-il, et, puisque vous pleurez notre amitié défunte, je jure de la faire revivre plutôt que de vous causer un chagrin nouveau. Mais, tenez, ma douce et bonne Thérèse, ma sœur chérie, agissons franchement, car je ne me sens plus la force de vous tromper ! ayez, vous, le courage d’accepter mon amour comme une triste découverte que vous avez faite, et comme un mal dont vous voulez bien me guérir par la patience et la pitié. J’y ferai tous mes efforts, je vous en fais le serment ! Je ne vous demanderai pas seulement un baiser, et je crois qu’il ne m’en coûtera pas tant que vous pourriez le craindre, car je ne sais pas encore si mes sens sont en jeu dans tout ceci. Non, en vérité, je ne le crois pas. Comment cela pourrait-il être après la vie que j’ai menée et que je suis libre de mener encore ? C’est une soif de l’âme que j’éprouve ; pourquoi vous effrayerait-elle ? Donnez-moi peu de votre cœur et prenez tout le mien. Acceptez d’être aimée de moi, et ne me dites plus que c’est pour vous un outrage, car mon désespoir, c’est de voir que vous me méprisez trop pour me permettre que, même en rêve, j’aspire à vous… Cela me rabaisse tant à mes propres yeux, que cela me donne envie de tuer ce malheureux qui vous répugne moralement. Relevez-moi plutôt du bourbier où j’étais tombé, en me disant d’expier ma mauvaise vie et de devenir digne de vous. Oui, laissez-moi une espérance ! si faible qu’elle soit, elle fera de moi un autre homme. Vous verrez, vous verrez, Thérèse ! La seule idée de travailler pour vous paraître meilleur me donne déjà de la force, je le sens ; ne me l’ôtez pas. Que vais-je devenir si vous me repoussez ? Je vais redescendre tous les degrés que j’ai montés depuis que je vous connais. Tout le fruit de notre sainte amitié sera perdu pour moi. Vous aurez essayé de guérir un malade, et vous aurez fait un mort ! Et vous-même alors, si grande et si bonne, serez-vous contente de votre œuvre, ne vous reprocherez-vous pas de ne l’avoir point menée à meilleure fin ? Soyez pour moi une sœur de charité qui ne se borne pas à panser un blessé, mais qui s’efforce de réconcilier son âme avec le ciel. Voyons, Thérèse, ne me retirez pas vos mains loyales, ne détournez pas votre tête, si belle dans la douleur. Je ne quitterai pas vos genoux que vous ne m’ayez, sinon permis, du moins pardonné de vous aimer !

Thérèse dut accepter cette effusion comme sérieuse, car Laurent était de