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Thérèse leva un doigt ; c’était un geste que Catherine connaissait et qui voulait dire : « Ne parle pas de cela. »

L’heure où Thérèse recevait le petit nombre de ses amis n’était, depuis quelque temps, mise à profit que par Laurent. Bien que la porte restât ouverte à qui voulait venir, il venait seul, soit que les autres fussent absents (c’était la saison d’aller ou de rester à la campagne), soit qu’ils eussent senti chez Thérèse une certaine préoccupation, un désir involontaire et mal déguisé de causer exclusivement avec M. de Fauvel.

C’était à huit heures que Laurent arrivait, et Thérèse regarda la pendule en se disant :

— Je n’ai pas répondu ; aujourd’hui, il ne viendra pas.

Il se fit dans son cœur un vide affreux, quand elle ajouta ;

— Il ne faut pas qu’il revienne jamais.

Comment passer cette éternelle soirée qu’elle avait l’habitude d’employer à causer avec son jeune ami, tout en faisant de légers croquis ou quelque ouvrage de femme pendant qu’il fumait, nonchalamment étendu sur les coussins du divan ? Elle songea à se soustraire à l’ennui en allant trouver une amie qu’elle avait au faubourg Saint-Germain, et avec qui elle allait quelquefois au spectacle ; mais cette personne se couchait de bonne heure, et il serait trop tard quand Thérèse arriverait. La course était si longue et les fiacres allaient si lentement dans ce temps-là ! D’ailleurs, il fallait s’habiller, et Thérèse, qui vivait en pantoufles, comme les artistes qui travaillent avec ardeur et ne souffrent rien qui les gêne, était paresseuse à se mettre en tenue de visite. Mettre un châle et un voile, envoyer chercher un remise et se faire promener au pas dans les allées désertes du bois de Boulogne ? Thérèse s’était promenée ainsi quelquefois avec Laurent, lorsque la soirée étouffante leur donnait le besoin de chercher un peu de fraîcheur sous les arbres.