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pas me traiter en bon camarade et avoir confiance en moi ?

— Ne vous confessez donc pas, reprit Thérèse en se levant. Cela me prouvera que vous ne méritiez pas l’estime que je vous ai témoignée, et qu’en cherchant à savoir mes secrets, vous ne me la rendiez pas du tout.

— Ainsi, reprit Laurent, vous me chassez, et c’est fini entre nous ?

— C’est fini, et adieu, répondit Thérèse d’un ton sévère.

Laurent sortit, en proie à une colère qui ne lui permit pas de dire un mot ; mais il n’eut pas fait trente pas dehors, qu’il revint, disant à Catherine qu’il avait oublié une commission dont on l’avait chargé pour sa maîtresse. Il trouva Thérèse assise dans un petit salon : la porte sur le jardin était restée ouverte ; il semblait que Thérèse, affligée et abattue, fût demeurée plongée dans ses réflexions. Son accueil fut glacé.

— Vous voilà revenu ? dit-elle : qu’est-ce que vous avez oublié ?

— J’ai oublié de vous dire la vérité.

— Je ne veux plus l’entendre.

— Et pourtant vous me la demandiez !

— Je croyais que vous pourriez me la dire spontanément.

— Je le pouvais, je le devais ; j’ai eu tort de ne pas le faire. Voyons, Thérèse, croyez-vous donc qu’il soit possible à un homme de mon âge de vous voir sans être amoureux de vous ?

— Amoureux ? dit Thérèse en fronçant le sourcil. En me disant que vous ne pouviez l’être d’aucune femme, vous vous êtes donc moqué de moi ?

— Non, certes, j’ai dit ce que je pensais.

— Alors vous vous étiez trompé, et vous voilà amoureux, c’est bien sûr ?

— Oh ! ne vous fâchez pas, mon Dieu ! ce n’est pas si sûr que cela. Il m’a passé des idées d’amour par la tête, par les sens, si vous voulez. Avez-vous si peu d’expérience, que vous ayez jugé la chose impossible ?

— J’ai l’âge de l’expérience, répondit Thérèse ; mais j’ai longtemps vécu seule. Je n’ai pas l’expérience de certaines situations. Cela vous étonne ? C’est pourtant comme cela. J’ai beaucoup de simplicité, quoique j’aie été trompée… comme tout le monde ! Vous m’avez dit cent fois que vous me respectiez trop pour voir en moi une femme, par la raison que vous n’aimiez