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Il y a ici des gouffres remplis de clameurs dont vous ne pouvez vous représenter l’effroyable variété ; tous les sanglots du désespoir, toutes les imprécations de l’enfer s’y sont donné rendez-vous, et, de ma petite fenêtre, j’entends dans la nuit ces voix de l’abîme qui tantôt rugissent une bacchanale sans nom, tantôt chantent des hymnes sauvages encore redoutables dans leur plus grand apaisement.

« Eh bien, j’aime tout cela maintenant, moi qui avais les goûts champêtres et l’amour des petits coins verts et tranquilles. Est-ce parce que j’ai pris dans ce fatal amour l’habitude des orages et le besoin du bruit ? Peut-être ! Nous sommes de si étranges créatures, nous autres femmes ! Il faut que je vous le confesse, ma bien-aimée, j’ai passé bien des jours avant de m’habituer à me passer de mon supplice, je ne savais que faire de moi, n’ayant plus personne à servir et à soigner. Il eût fallu que Palmer fût un peu insupportable ; mais, voyez l’injustice, dès qu’il a fait mine de l’être, je me suis révoltée, et, à présent qu’il est redevenu bon comme un ange, je ne sais plus à qui m’en prendre de l’épouvantable ennui qui m’envahit par moments. Hélas ! oui, c’est comme cela !… Dois-je vous le dire ? Non, je ferais mieux de ne pas le savoir moi-même, ou, si je le sais, de ne pas vous affliger de ma folie. Je voulais ne vous parler que du pays, de mes promenades, de mes occupations, de ma triste chambre sous les toits, ou plutôt sur les toits, et où je me plais à être seule, ignorée, oubliée du monde, sans devoirs, sans clients, sans affaires, sans autre travail que celui qui me plaît. Je fais poser des petits enfants, et je m’amuse à composer des groupes ; mais tout cela ne vous suffit pas, et, si je ne vous dis pas où j’en suis de mon cœur et de ma volonté, vous serez encore plus inquiète. Eh bien, sachez-le, je suis bien décidée à épouser Palmer et je l’aime ; mais je n’ai pas encore pu me résoudre à fixer l’époque du mariage, je crains pour lui et pour moi-même le lendemain de cette union indissoluble. Je ne suis plus dans l’âge des illusions, et, après une vie comme la mienne, on a cent ans d’expérience et, par conséquent, de terreurs ! Je me suis crue absolument détachée de Laurent, je l’étais absolument en effet à Gênes, le jour où il me dit que j’étais son fléau, l’assassin de son génie et