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d’alors de nommer ainsi leurs bâtards, sans pourtant leur assurer la possession des fiefs dont ils prenaient le titre. Ainsi, dès l’enfance, Charles-Godefroid fut le chevalier de Beaumont, sans aucun revenu ni droit de propriété.

La duchesse de Bouillon, princesse de Lorraine, n’avait eu que deux fils. L’aîné, ayant fait une chute à la chasse, était demeuré bossu ; il mourut à vingt et un ans. Le second, très-beau de visage, était encore plus disgracié. Il était cul-de-jatte. Aussi, quand la duchesse voyait le jeune chevalier, si grand, si beau, si bien tourné, elle pleurait de regret. Elle eût voulu être sa mère. Elle le prit en vive affection lorsqu’elle vit l’intelligence et la bonté se développer en lui en même temps que la beauté physique. Le chevalier adorait le jeune prince et l’entourait des plus tendres soins. Celui-ci ne chérissait au monde que le bâtard, ne se tenait tranquille et ne se sentait heureux que quand il était là. La duchesse obtint que Charles habitât l’hôtel de Bouillon. En proie à une maladie longue et cruelle, elle reçut de lui des soins assidus. Il la quittait à peine et lui faisait la lecture. À la veille de mourir, elle fit venir le