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— Tu me reproches ma nourriture, ô fils de ton père !

— Dieu m’en garde ! je dis seulement qu’en ce moment je suis lucide et que vous ne l’êtes pas.

— Eh bien, voilà ce qui te trompe : en ce moment, tu crois écouter les divagations de ton parent Duteil ; ce n’est qu’un souvenir passé à l’état de rêve. Tu es couché sur une botte de paille dans un hôpital de fous. La personne que tu prends pour moi est le médecin qui te soigne, et l’air de la nuit que tu crois respirer à pleins poumons en pleine campagne ne t’arrive qu’à travers les barreaux d’une lucarne grillée. Malheureux jeune homme ! la bonne dame nature a eu pitié de toi. Elle a jeté sur la lanterne magique de ton cerveau les images de la patrie absente. Tu y vois les champs paternels, les amis de ton enfance, tu es heureux, tu divagues ! tu vois ce qui n’est pas ou ce qui n’est plus, et tu es persuadé que ce sont des choses réelles. Mais il ne suffit pas de dire que ce ne sont pas des fantômes, il faut le prouver. Prouve-le-moi, voyons, essaie !

La discussion continua ainsi, je ne l’écoutais