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ments d’esprit et de malice discrète, comprit-il qu’il devait cette ovation à la grâce de son cheval. Paris est artiste, Paris est enfant. Paris est sublime et niais, admirable aujourd’hui, absurde demain. Il vit cela et il osa, lui qui avait un grand fonds de timidité modeste. On le voulait impudent, il le fut. Il commanda, dit-on, son manteau impérial. Des ouvrières étaient occupées à en broder les abeilles d’or, qu’il disait encore à ceux qui le poussaient en avant : « Non, je ne trahirai pas la République ! » Et le merveilleux de l’affaire, c’est qu’il le disait de bonne foi. Il était dupe de lui-même jusqu’au dernier moment. On le persuadait tout d’un coup, en lui montrant le succès obtenu en dépit de son inaction, de ses scrupules ou de sa gaucherie. Il se disait alors : « C’est ma destinée, donc c’est mon devoir. » Et rien ne comptait plus dans sa conscience ni dans sa mémoire. C’était le fanatisme d’un autre siècle mettant l’aigle dans le nimbe à la place du calice. Il ne connaissait pas le remords, pouvant toujours se dire : « Ce n’est pas moi qui l’ai voulu ; c’est la fatalité qui me commande. »

Ce portrait n’a pas la prétention de s’imposer à l’histoire. Il sera nié, discuté, refait de mille