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Chaque jour plus avant ma blessure se creuse ;
Dans mon âme la nuit se fait plus ténébreuse ;
Ma plainte chaque jour jaillit plus douloureuse

De mon cœur dévasté !

Et si pour le revoir et pour l’entendre encore

Il faut qu’en longs soupirs tout mon cœur s’évapore
Et des ennuis rongeurs que la dent me dévore,

Je le veux s’il le faut !

Il manquait un soleil à tes soleils sans nombre,
Et tu m’as pris celui qui dorait mon jour sombre,
Et j’erre maintenant dans l’espace et dans l’ombre

Sans guide et sans flambeau.

Oh ! rends-moi mon fanal, mon trésor et mon guide ;
Phalène renaissant brisant ma chrysalide,
Laisse-moi m’élancer où mon soleil réside ;

Par-delà le tombeau !

Nous voici en 1872, et cette désolation profonde est devenue un état normal, nécessaire, comme certaines maladies chroniques qui semblent devenir des causes conservatrices de la vie par le contre-poids qu’elles apportent aux autres causes de destruction. L’ennui qui consumait jadis cette âme solitaire eût sans doute abrégé ses jours. Du moment qu’elle a aimé, elle s’est retrempée dans la faculté de souffrir. La mort, qui brise cruellement les liens du cœur, n’a rien brisé pour elle. Elle aime autant aujourd’hui qu’elle aimait il y a vingt ans. La vieillesse n’a