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des lois ; si j’étais son ami, je l’arracherais de mon cœur ; si j’étais son hôte, je le chasserais de ma maison.

COSIMA.

Eh bien, monseigneur, bannissez-le de vos États à l’instant même. Voilà ce que je réclame de votre pitié comme de votre justice. Sauvez la vie de mon époux en prévenant ce duel. Sauvez la mienne aussi ; car, si, pour l’empêcher, je dois appartenir à celui qui me hait et me méprise, j’en fais le serment devant vous, monseigneur, je ne survivrai pas à la honte !

LE DUC.

Mais quel est donc ce misérable ? (À part.) Ce ne peut être Ordonio !

COSIMA.

C’est votre ami, votre confident, monseigneur : c’est le noble Ordonio Éliséi.

LE DUC.

Ordonio ! lui ? Je ne puis le croire ! Il m’a dit qu’il vous aimait !

COSIMA.

Il n’a pour moi que de la haine.

LE DUC.

C’est impossible ! Quelle en serait donc la cause ?

COSIMA.

Ma sagesse qu’il appelle orgueil, ma religion qu’il appelle hypocrisie, mon amour conjugal qu’il appelle lâcheté, ma chasteté qu’il appelle égoïsme.

LE DUC.

Pour un homme qui aime, ce sont là des causes de désespoir, et non de haine. Si tout ce que vous m’avez dit est vrai, devant Dieu, madame, je fais le serment de vous défendre, non de vous venger ! Ordonio est Vénitien, et je n’ai pas de droits sur lui.

COSIMA.

Me venger ? Eh ! monseigneur, croyez-vous que j’eusse été me prosterner à Venise devant le grand inquisiteur pour lui