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sérable ! Car, depuis deux mois, vous avez fait couler bien des larmes précieuses… Je ne parle pas des miennes, je les ai dévorées, et mes cheveux ont blanchi en quelques nuits sans qu’on y prit garde ; mais je parle d’un noble cœur que vous faites saigner, d’un orgueil légitime et sacré que vous mettez à la torture, d’une vertu qui est au-dessus de vos attaques et que vous voulez flétrir… Vous voyez bien que je sais tout !… Je sais que, pour jeter le trouble dans des pensées chastes, vous avez accusé mon meilleur ami, le plus noble, le plus pur de tous les hommes, d’être aussi perfide, aussi corrompu que vous. Je sais enfin que vous êtes devenu un fléau pour l’âme crédule et généreuse qui voulait toujours vous pardonner et qui espérait vous convertir ; et maintenant voilà que cette âme infortunée n’ose implorer la protection d’aucun des amis que le ciel a placés autour d’elle, et que, craignant d’attirer de nouveaux désastres sur sa famille, elle ne se confie plus ni à son frère Néri, ni à son oncle le prêtre, ni à moi, son plus fidèle, son plus sûr ami !… Mais sachez bien, vous, que cette victime de votre perversité n’est abandonnée ni du ciel ni des hommes, et qu’il n’est pas si facile de briser un pauvre cœur sous l’œil de la Providence ! Vous m’entendez maintenant. Il faut que la faiblesse soit protégée, il faut que l’insolence soit punie !…

ORDONIO.

Et il faut que l’injure soit vengée. Je vous ai écouté avec patience, ce me semble, et, en tout ce qui m’est personnel, ce n’est point avec des paroles que je prétends vous répondre. Mais il m’importe, je le répète, de justifier la signora Cosima…

ALVISE, avec force.

Taisez-vous ! ne prononcez pas un nom que je me suis abstenu de confier aux murailles de cette chambre ! Vos laquais l’ont peut-être entendu !…

On entend remuer dans le passage secret. Ordonio réprime un mouvement d’inquiétude.