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ORDONIO, avec colère.

Eh bien, partez donc ! et adieu pour jamais ! (Il met la main sur le boulon de la porte.) Est-ce ainsi que nous nous quitterons ? Vous le voulez ? vous n’en aurez pas de regret ?

COSIMA.

Jamais !…

ORDONIO, tenant toujours la porte, et d’une voix âpre et irritée.

Eh bien, vous partirez ! mais, auparavant, vous entendrez la vérité, car il est temps que je vous la dise. Vous n’aimez personne, vous n’aimez rien ! Vous n’êtes qu’égoïsme et vanité. Un amant n’est pour vous qu’un serviteur, un valet qui ramasse votre bouquet et vous présente votre éventail… Qu’il se traîne à vos pieds, le front dans la poussière, sans jamais oser se déclarer, et vous le garderez à votre service comme vous gardez Néri. Mais qu’il se lasse, comme moi, d’être joué, oh ! alors, malheur à lui ! car, pour l’enchaîner, vous vous ferez belle, éloquente, humble même, comme vous l’étiez tout à l’heure ; ou bien vous l’écraserez de votre indignation comme vous le faites en cet instant ; vous froisserez vos belles mains comme vous les froissez à présent ; vous pleurerez même au besoin, comme vous allez le faire, si vous voulez vous en donner la peine !…

COSIMA, avec exaspération et s’appuyant convulsivement sur la table.

Mon Dieu ! vous l’entendez ! C’est ainsi qu’il me juge, c’est ainsi qu’il me connaît ! Quand je viens ici, au risque de me perdre, lui dire toute ma douleur, toute ma folie !… lui, lui ! me raille et m’outrage ; il brise mon cœur sans pitié, sans respect ! Ah ! cet homme est de glace ! Elle tombe le visage dans ses mains et courbée sur la table.

ORDONIO, à part.

C’est bien ! la voilà telle que je la voulais ! Elle est à moi maintenant… (Se rapprochant d’un air soumis.) Cosima, je t’ai fait du mal. Pardonne ! ma tête s’égare !…

COSIMA, se relevant avec dignité.

Non, monsieur ! votre tête est froide, votre cœur aussi, et