Page:Sand - Cosima.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

ORDONIO.

Oh ! je ne puis plus me payer de mots à double sens ! Comment m’aimez-vous ? Comme je vous aime ou comme votre confesseur vous a permis de m’aimer ?

COSIMA.

Comme votre conscience et la mienne nous le prescrivent, Ordonio.

ORDONIO.

En ce cas, vous ne m’aimez pas, et je ne vous demande plus rien !

COSIMA.

Ah ! si vous m’aimiez, vous, mon affection si pure, si dévouée, suffirait pour vous rendre heureux !

ORDONIO.

Si j’eusse pu croire que vous m’aimiez vivant comme vous m’avez aimé mort, et que votre amitié n’avait rien ôté à votre amour, j’aurais continué à subir le martyre que je m’étais imposé ; mais je vois que cet amour, tout chaste et timide qu’il était, est jugé criminel et abjuré sans retour. La vertu l’a emporté dans votre âme sans trop de combat, il faut le dire. Peut-être l’amour de Néri a-t-il trouvé grâce auprès du chanoine de Sainte-Croix, et peut-être aussi la miséricorde vous a-t-elle semblé plus facile à exercer envers lui. Quoi qu’il en soit, je ne puis accepter plus longtemps la part que vous me faites, et ma loyauté répugne à tourmenter un rival qui me semble mieux traité que moi.

COSIMA.

Néri ! un rival !… Vous qui lui reprochiez si souvent d’injustes méfiances, n’êtes-vous pas plus injuste et plus méfiant que lui ? Oh ! mon ami, revenez à vous-même. Depuis quelque temps, il me semble que ce n’est pas vous qui me parlez ! Voudriez-vous détruire le bonheur que vous m’aviez donné ? Autant vaudrait m’arracher la vie, car c’est depuis ce temps-là seulement que j’existe.

ORDONIO.

Dites-moi donc que vous m’aimez autrement que lui !