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LE CHANOINE.

Mais ce n’est pas vous qui avez provoqué Ordonio ? Vous ne vous êtes point battu avec lui ?

NÉRI.

Que ne l’ai-je fait !

Il tombe dans la rêverie.

LE CHANOINE.

En votre âme et consience, Néri, croyez-vous qu’Ai vise ait pu se porter à une telle extrémité ? Un duel suppose un témoin, un confident, au moins !… Cosima, vous me devez la vérité tout entière… Au nom du ciel, je vous adjure de me dire si vous n’avez pas commis quelque imprudence qui ait pu éveiller la jalousie d’Alvise.

COSIMA.

Devant Dieu, non !

LE CHANOINE.

Et vous, Néri, vous ne savez donc rien ?

NÉRI.

Non, sur l’honneur ! mais, ô mon Dieu 1 quel crime est le mien, si par cette lettre imprudente j’ai pu attirer sur la tête de mon bienfaiteur une si horrible accusation !… Dites-moi, oh ! dites-moi qu’il est impossible qu’on y donne suite !…

LE CHANOINE.

Mes enfants, mon rôle n’est point de vous adoucir par de vains ménagements l’horreur de cette situation. Il faut s’armer de courage. Vous connaissez la rigueur de nos lois et les farouches habitudes de nos tribunaux…

COSIMA.

Le duc est généreux, dit-on, il aime la justice : j’irai me jeter à ses pieds…

LE CHANOINE.

Il ne le faut pas ; le duc est un jeune homme, ma fille !… d’ailleurs, ici, sa puissance échouerait contre celle du conseil suprême. Alvise est un homme de bien, qui, magistrat lui-même, s’est élevé souvent avec force contre les abus et le despotisme. Il a des ennemis dans le corps dont il fait partie. Les conseillers eux-mêmes craignent sa franchise et son cou-