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TOSINO.

Il me semble parfaitement habitué à ennuyer… Et, maintenant, maître, que faisons-nous ? Irai-je quitter ces habits ?

ORDONIO.

Tu vas rentrer. Tu prendras des habits à moi, et tu t’essayeras à jouer mon rôle. Tu imiteras devant une glace mes gestes et ma démarche. Le pourras-tu ?

TOSINO.

Oh ! nous autres pages, nous sommes toujours habiles à singer nos maîtres. D’ailleurs, je ne suis pas beaucoup plus petit que vous, et je n’ai pas la main trop mal, ni le pied non plus…

ORDONIO.

Écoute. J’ai reçu ce soir la nouvelle de la mort de mon oncle ; il faut que j’aille recueillir sa succession !…

TOSINO.

Ah ! mon Dieu ! et Votre Seigneurie conte cela avec un sang-froid !… Si ce n’était le respect dû au lieu où nous sommes, je danserais !… car nous voilà riches, mais riches !… Et que deviendront nos amours pendant cette absence ?

ORDONIO.

J’y ai songé ; je ne suis pas si fou que de laisser refroidir l’impression que j’ai produite. Il ne faut pas que la dame de mes pensées, femme romanesque s’il en fut, me croie assez bourgeois pour aller compter des écus, au lieu de faire l’amant espagnol sous son balcon. Écoute-moi donc !… Je pars cette nuit même pour Venise. Je te laisse ici. Je serai peut-être absent quelques semaines, pendant lesquelles tu auras soin de te promener autour de ma belle, mais avec autant de timidité apparente que je l’ai fait jusqu’ici avec audace. Il faudra qu’elle te voie et qu’elle te prenne pour moi. Mais, dès que tu te verras remarqué, il faudra fuir comme une ombre, en affectant le respect et la crainte. Tu feras ainsi tous les soirs. Le jour, tu te montreras sous ta véritable forme, et tu diras à tous ceux qui te demanderont de mes nouvelles