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ALVISE.

Vous me le défendez, monseigneur ?

LE DUC.

Vous renoncerez à vous battre avec Ordonio Éliséi. Comme votre ami, je vous en prie ; comme votre souverain, je vous l’ordonne.

ALVISE.

Eh bien, moi, monseigneur, comme votre sujet fidèle, je vous demande à genoux de révoquer cette défense. Mais, si vous persister,… comme homme d’honneur, comme libre citoyen, je m’en affranchis. Oh ! vous comptez trop sur le respect que votre nom inspire, monseigneur, si vous croyez pouvoir imposer silence à la dignité humaine outragée en nous par l’impudence de vos courtisans. Il ne sera pas dit que les grands viendront porter la douleur et l’opprobre dans nos familles, sans que nous nous fassions justice ! Demain, monseigneur, je me constituerai votre prisonnier, et j’offrirai ma tête au bourreau si vous le voulez ; mais, aujourd’hui, je serai un sujet rebelle et j’encourrai votre colère.

LE DUC.

J’excuse votre emportement, messire ; je sais ce que vous avez souffert, je sais le crime de votre ennemi. Je ne viens pas vous demander grâce pour lui. Je viens, au contraire, remettre son sort entre vos mains ; mais il ne s’agit pas seulement ici de punir l’offense, il s’agit de réhabiliter la vertu. C’est à moi que votre femme est venue demander protection, et c’est moi qui viens rendre, à elle votre estime, à vous sa confiance. Mais il importe à mes desseins que ma présence ici soit un mystère… Suivez-moi dans l’appartement voisin… (Cherchant des yeux et désignant la portière du fond.) Derrière ce rideau !… Quelqu’un, si je suis bien informé, va s’introduire ici. Je veux être témoin sans être vu. (Alvise hésite.) Vous doutez de ma parole, messire ?

LE CHANOINE.

Obéissez, Alvise. C’est la Providence qui vous envoie ici, monseigneur.